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André Fougeron et le tryptique de la honte : un artiste français engagé

Jusque là, c'est sur le travail et les réactions des artistes algériens que nous nous sommes focalisées. Mais nous vous l'avions dit, en France aussi il y a eu mobilisation pendant la guerre ! Parmi les artistes engagés, André Fougeron (1913-1998) est un de ceux qui ont été les plus productifs. Ce militant est connu pour avoir combattu beaucoup de conflits par le biais de ses toiles : guerre d'Espagne, Seconde Guerre mondiale, guerre du Vietnam, guerre d'Indochine... Mais aussi, vous vous en doutez, guerre d'Algérie.


Il s'était même engagé en faveur de l'indépendance algérienne peu avant le début du conflit, avec Nord-africains aux portes de la ville.

André Fougeron, Nord-africains aux portes de la ville, 1953

Nord-africains aux portes de la ville (Triptyque de la honte I), 1953

Huile sur toile, 195 x 130 cm, Musée de l'Histoire de l'immigration


Très engagé politiquement, l'artiste a fait parti de la Résistance française durant la Seconde Guerre mondiale, avant de devenir chef de file du Nouveau Réalisme. Pour lui, les artistes se devaient d'agir pour la paix et l'indépendance de chacun, par le biais d'un art à portée sociale. C'est ce qu'on voit dans le tableau ci-dessus, qui montre la tristesse et la précarité de la situation des migrants algériens en France peu avant la guerre. Les deux personnages semblent seuls et abandonnés, loin de la ville et de son confort, en complet décalage avec elle. Cette toile est la première d'un triptyque intitulé le « Triptyque de la honte », consacré à ce conflit. La seconde est Les Orphelins. Réalisée en 1958, en plein cœur du conflit, elle montre les victimes les plus innocentes du conflit : les enfants.


André Fougeron, Les orphelins, 1958

Les orphelins (Triptyque de la honte II), 1958

Huile sur toile, 195 x 130 cm, collection de l'artiste. C. Adagp


On y voit trois enfants qui semblent endeuillés, en haillons, seuls au milieu de décombres. L'un d'eux est assis au sol, une poupée dans les mains, ce qui accentue encore l'écart entre l'insouciance habituelle de l'enfance, et cette situation. Ce sont les ombres projetées au sol qui nous donnent des indices sur la source de leur abandon : sur la gauche de la scène on aperçoit une sorte de grillage, peut-être celui d'un camp de prisonniers, tandis que la silhouette d'un homme armé et casqué se détache clairement au premier plan. La volonté de Fougeron est clairement de dénoncer l'horreur de la guerre, de façon indirecte. On ne voit effectivement ni cadavres, ni combats, mais une des conséquences du conflit.


C'est après le massacre de Sakiet Sidi Youssef que Fougeron a peint le dernier volet de ce triptyque. Il en a représenté les victimes, majoritairement civiles et résolument innocentes.

André Fougeron, Massacre à Sakiet, 1958

Massacre à Sakiet (Tryptique de la Honte III), 1958

Huile sur toile, 97 x 195cm, Tate Modern


Présenté en France trois mois seulement après l'événement, ce tableau a beaucoup choqué les spectateurs, et n'a que peu été montré. Cet événement a pourtant marqué les foules et les artistes, puisque nombre d'autres ont suivi l'exemple de Fougeron par la suite : Erro, Georges Gosselin, Lorjou, Peter de Francia… Il s'est agi de bombardements, lancés sur une petite ville tunisienne dans laquelle restaient des troupes algériennes. L'histoire est plus complexe que cela, mais ce qui est certain c'est que ce sont surtout des paysans, des civils et une école pleine d'enfants qui ont été touchés. Ce sont toutes ces personnes que l'on voit ici dans une représentation pyramidale. Le regard est attiré par l'enfant au visage lumineux placé dans la partie supérieure, et par le corps dénudé d'une mère, un enfant accroché à son sein. Tout en haut, on distingue les tueurs, qui surplombent cet enchevêtrement de corps. Tout comme dans Les Orphelins, les soldats n'ont pas de visages, symboliquement réduits à leurs uniformes et leurs armes.


Si André Fougeron a réalisé d'autres tableaux pour lutter contre le conflit entre France et Algérie, ce triptyque est le plus fort et le plus emblématique. La dénonciation de la violence y est claire, et compréhensible par tous. L'artiste a fait le choix du réalisme, alors que l'abstraction était en plein essor : le but de Fougeron était avant tout d'agir, et de faire passer un message par l'image.


Car comment rester insensible face à son Massacre à Sakiet ? Mais nous vous en parlerons très vite, Fougeron n'est pas le seul français à s'être engagé de la sorte !

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