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Des diableries au musée du Prado !

Cette année, c'est le 500ème anniversaire de la mort du peintre flamand Jérôme Bosch. Si on vous parle de cet artiste médiéval aujourd'hui, c'est parce qu'après toutes ces années, il fascine encore et toujours le monde et les artistes... On vous explique pourquoi nous aussi, il nous passionne !


Quand on parle de Bosch, c'est souvent pour évoquer ses grands triptyques fourmillants de détails insolites et souvent inquiétants, voire cauchemardesques ! Il s'agit toujours, chez Jérôme Bosch, de thèmes religieux. Et pour cause, car il était très croyant et appartenait à une confrérie religieuse, la Confrérie Notre Dame. Pour eux, le moindre péché pouvait vous envoyer directement en enfer : seule une vie exemplaire pouvait vous sauver. Quand certains tableaux de l'artiste montrent au peuple l'infinie multitude des actions qui le condamneront à la damnation éternelle (voir Le Jardin des Délices), dans Le Jugement Dernier, il le met en garde en lui donnant un aperçu des punitions qui lui seront infligées en enfer !

Jérôme Bosch, Le Jugement dernier, vers 1506.

Huile et détrempe sur panneau de chêne. 163.7 × 274 cm

Vienne, Akademie der bildenden Künste, Gemäldegalerie

On peut y voir des personnages écartelés, torturés, dévorés, comme ici où un homme-oiseau s'apprête à manger un pécheur en omelette. Juste derrière, un autre homme est arrosé pendant sa cuisson à la broche par un humanoïde bleu!

Jérôme Bosch, Le Jugement dernier, vers 1506. Détail.

Certains supplices sont infligés par des créatures qui revêtent les tenues de Religieux : pour Bosch, il n'y avait d'espoir pour personne !

Jérôme Bosch, Le Jugement dernier, vers 1506. Détail.

Ce qui est extraordinaire dans ces tableaux, c'est qu'on pourrait passer des heures à en observer les détails, car tout est possible chez Bosch. Il semble qu'il ait vraiment été obsédé par le diable et ses châtiments, puisque ici les 2/3 de la scène sont occupés par les pécheurs et leurs punitions, tandis qu'une poignée d'élus seulement explore le minuscule paradis peu détaillé. Et même au paradis, le ciel est rempli par les anges rebelles prêts à chuter !

Jérôme Bosch, Le Jugement dernier, vers 1506. Détail.

Source lunettesrouges.blog.lemonde.fr

Ce type d'images est unique, on ne le retrouve nulle part ailleurs au Moyen-Âge. Car l'artiste emploie un vocabulaire visuel nouveau pour incarner tous les aspects du vice. Il est le premier à être allé si loin et à avoir montré violence et dépravation sexuelle de façon si détaillée dans un cadre religieux. Pour faire simple, si Bosch n'avait pas été soutenu par des puissants, il aurait fini directement au bûcher ! D'ailleurs, pour certains, Bosch faisait partie d'une secte religieuse très particulière, qui semblait s'adonner à des rituels orgiaques... Il est vrai que cette interprétation est très contestée, mais d'autres hypothèses moderne concernent la vie de l'artiste, qu'on connaît en fait très peu (voire même, pas du tout).


Au début du XXe siècle, c'est la psychanalyse qui a vu anachroniquement dans ses tableaux l'expression de pulsions sadiques, de la folie ou encore la représentation d'un univers tiré des rêves et de son inconscient... Et c'est exactement comme ça que l'ont perçu les artistes du Surréalisme !


Le Surréalisme, c'est un courant artistique et littéraire qui a marqué le XXe siècle pour l'originalité de ses réalisations : dans le Manifeste du Surréalisme, André Breton le définissait en 1924 comme un « mode d'expression pure », qui choisissait d'utiliser les expressions de l'inconscient et du rêve, sans chercher à représenter le réel. Dans ce même manifeste, on parle de Jérôme Bosch comme le « Visionnaire intégral » du mouvement !


Et oui, les surréalistes, plutôt anticléricaux, ont choisi le plus pieux des artistes médiévaux ! Son influence est marquée quand on compare ses travaux à ceux de Dali et Magritte, ou encore Miro.

Comparaison entre Le Grand Masturbateur de Dali, et Le Jardin des Délices de Bosch, établie par https://nguyendinhdang.wordpress.com.

Mais finalement, c'est avec Max Ernst que le parallèle est le plus incroyable. L'inspiration a été plus globale, et moins ponctuelle que chez les autres artistes. Il suffit de regarder certains de ses tableaux comme La Tentation de Saint-Antoine. La luminosité, la représentation du ciel, l'utilisation des couleurs, la présence de la ruine en arrière-plan et l'aspect monstrueux des personnages rappellent les tableaux réalisés par Bosch 500 ans plus tôt.

Max Ernst, La Tentation de Saint Antoine, 1945.

Huile sur toile, 120 x 128 cm.

Wilhelm-Lehmbruck-Museum, Duisburg.

Il en est de même dans beaucoup de ses collages, qui mettent en scène des personnages hybrides, et des actions souvent violentes. On remarque par exemple un univers particulièrement foisonnant et inspiré ouvertement de Bosch dans les 184 collages qui forment le roman graphique Une Semaine de Bonté, ou les Sept Péchés Capitaux, en 1934. Le titre rappelle d'ailleurs très bien les thématiques choisies par Bosch...


Max Ernst, Une Semaine de Bonté ou Les Sept Péchés

Capitaux, 1933. Collages sur papier. © ADAGP, Paris

Aujourd'hui encore, les tableaux de Bosch continuent à inspirer l'art contemporain. Parmi tant d'autres, c'est le cas de l'artiste Emily Erb, qui a réinterprété Le Jardin des Délices en peinture sur soie en 2009 !

Emily Erb, Le Jardin des délices, 2009.

182 x 365 cm

© EmilyErb.com


Si vous avez envie d'aller admirer en vrai les tableaux extraordinaires de Jérôme Bosch, une grande rétrospective est actuellement présentée à Madrid à l'occasion du 500ème anniversaire de sa mort ! C'est jusqu'au 11 septembre, au Musée du Prado.

 

Pour aller plus loin :

- Sur la vie de Jérôme Bosch, lire cette biographie assez complète.

- Sur le surréalisme, lire ce dossier créé à l'occasion d'une exposition.

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