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III - Art comme vecteur de lien social.

Pour ce dernier article du volet « art et migrants », nous passons du côté du camp de Calais, pour voir comment la « vie » s'organise. Des structures sortent de terre comme une école, une librairie, une radio ou encore un théâtre, et la culture telle que nous la connaissons dans nos villes, semble retrouver ses locaux.


Le reportage que réalise Cécile de Kervasdoué à Calais et à grande Synthe pose une question intéressante et sur laquelle nous allons nous arrêter : Y a-t-il matière à créer dans un tel chaos ? Pour son enquête, la journaliste a suivi Alpha, artiste mauritanien installé depuis plus de six mois dans le camp. Demandeur d’asile, lui-même aide les autres réfugiés. Sa maison est d'ailleurs bien connue, puisque bleue, elle se remarque de loin.


la maison bleue sur la colline

Sébastien Arquez Photographe

« la maison bleue sur la colline » de Alpha (un hommage à Maxime le Forestier)



Alpha décrit son travail comme étant une représentation de la « jungle », permettant de faire connaître « La vie de tout les réfugiés du monde." il ajoute : "On a peur chez nous mais on a peur aussi là où on est. Cette peur est devenue une peur sociale, une peur politique. »


Si l'art existe dans un tel contexte c'est aussi parce que des associations œuvrent en ce sens. Alpha a pu créer grâce aux bénévoles qui se sont mobilisés et qui ont apporté les matières premières comme les chevalets et les peintures. Une des organisations qui s'est illustrée au niveau de la culture, est le collectif Art in the jungle. Corine Pagny, initiatrice de ce projet, a mis en place le 18 décembre 2015, une exposition au sein même du camp, l'objectif étant de faire découvrir aux calaisiens ce village de fortune. Le parcours artistique devenait, pour elle, un prétexte qui créait un lien social entre les réfugiés et les habitants. Par exemple, l'une des installations consistait en un arbre à message, de Sophie Dussidour et Daniel Cieters, sur lequel les gens étaient invités à accrocher un mot afin d'exprimer leur ressenti. Fonctionnant comme un arbre à souhaits, les artistes voulaient établir des discussions et du lien humain. Les gens pouvaient néanmoins rester anonyme.


Daniel Cieters et l’arbre à messages

« Que dire ? » – Daniel Cieters et l’arbre à messages. Crédit photographique : Léon Dubois

Structure d’1m50 de haut, réalisée par D. Cieters, composée d’un pilier surmonté d’un cercle de métal. Des cordes tendues sur l’anneau permettent d’accrocher les messages.




Un des autres plasticiens, Srecko Boban, disait vouloir humaniser les « migrants », mot qui, selon lui, s'apparente à « anonyme ». Il a donc réalisé des bustes en plâtre, semblables à ces figures antiques érigée en héro.


Plâtre et moulage de Riaz, Obama, Samer, Abdallah, Amir, Kamal et Zimako

Crédit, Srecko Boban.

Plâtre et moulage de Riaz, Obama, Samer, Abdallah, Amir, Kamal et Zimako


Afin de soulever l’anonymat, les moulages portaient le nom de leur modèle. S. Boban souhaitait y « saisir l'empreinte du vivant » comme pour faire un « témoignage de leur présence à Calais ». Il ajoute vouloir montrer « Une sorte de mue où ils [les migrants] quitteraient leurs anciennes peaux pour renaître et tout recommencer à zéro. De cette mue, naissent des hommes tous de la même couleur, quelques soient leurs origines. D'une manière assez surprenante et émouvante, la couleur blanche des bustes les rend encore plus proche de nous. » Cette réalisation de moulage, presque typologique du migrant, interroge alors : est-ce une manière de dire que seul l'être qui nous ressemble – profil de l'occidental blanc donc – peut avoir notre compassion ? Est-ce que les syriens, soudanais veulent nous ressembler ?


Cette première exposition de Art in the jungle était parrainée par Ernest Pignon-Ernest et a, tout de même, rassemblée une trentaine d’artistes dont Marion Plumet, Dadave, Catherine Ursin, Antonin Heck, Horor. À la mi-mars, le collectif voulait refaire une intervention proposant un concert à ciel ouvert libre d’accès.


Bien que ces actions ramènent de l'humanité dans le tragique, l'art paraît dérisoire dans un tel contexte. Les besoins énoncés par les migrants et réfugiés, se rapprochent d'avantage de la sécurité, d'une meilleure qualité de vie et de la volonté de passer en Grande-Bretagne. La violence est et restera, probablement.

Alors est-ce que l'art arrive beaucoup trop tôt ? Les avis restent partagés à ce sujet. Et pourquoi vouloir instaurer de la culture dans des camps ? Simplement parce que l'instruction reste la normalité, assure une professeure bénévole.


En savoir plus :

  • "La diagonale de l'art", reportage parut dans Libération

  • Blog contenant des témoignages des migrants à Calais et des interventions du collectif "Art in the jungle"

  • Site du photographe reporter Léon Dubois, portraits des artistes

  • Site de l'artiste Srecko Boban

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