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I - L'art de la contestation.

Encore ce matin les forces de l'ordre démantelaient une partie du camp de réfugiés à Calais. Face à cette actualité, il est difficile de rester de marbre. Évidemment, les questions se bousculent et l'impuissance sociale grandit, ce qui m'amène à me demander : quel rôle joue l'artiste là-dedans. En effet, si des pétitions d'intellectuels « humanistes » circulent, que se passe t-il du côté de nos artistes ?


L'engagement et la prise des armes par l'art ne sont pas nouveaux (on en parlait déjà dans cet article). Et pourtant un reproche se fait entendre aujourd'hui : où sont nos artistes, nos universitaires et grandes figures qui posaient le débat public ? Ça, je ne sais pas. Par contre, je sais qu'il y a, parmi eux, des personnes qui engagent le dialogue avec nous, comme l'artiste chinois Ai Weiwei. Alors qu'il avait prévu d'exposer au musée d'art moderne ARoS, sur « Une nouvelle dynastie. Créée en Chine », l'artiste a décidé de retirer ses travaux, après que le gouvernement danois ait adopté le 26 janvier, une loi autorisant la saisie des biens des migrants, dès qu'ils atteignaient la valeur de 1340 euros. Dans un communiqué destiné au musée, l'artiste se dit profondément choqué. Son acte se voulait alors contestataire. Étant l'un des plus reconnus de l'art contemporain, le fait de retirer son travail en dernière minute, met certainement le musée dans l'embarras. Mais est-ce bien là une manière de protester ? N'aurait-il pas valu que l'artiste reste pour s'afficher contre le gouvernement ? S'il y a de quoi discuter, une chose est sûre : par cet acte, Weiwei refuse de participer aux traitements réservés aux réfugiés et aux migrants.


Alors, comment attirer l'attention sur ces questions de migrations et comment sensibiliser les consciences ? En effet, pour que des faits historiques basculent dans le domaine artistique, il faut d'abord que l'artiste les transpose plastiquement. Et pour que le message soit fort, il faut que les motifs soient identifiables.

Photo Angelos Tzortzini. AFP


Par exemple, Weiwei utilise les gilets de sauvetage orange - l'espoir du migrants pour une traversée sauve. Nous les connaissons tous : le rapprochement entre eux et la crise humaine à laquelle nous nous confrontons, est indubitable. Chargés de symboles, Weiwei récupère ces gilets pour les accrocher là où nous ne les voyons pas : dans la ville. Ainsi, durant le festival du film à Berlin, l'artiste en accroche 14000, récupérés sur l'île de Lesbos, sur les colonnes néoclassiques du Konzerthaus. Il installe aussi un canot pneumatique sous lequel est écrit « #Safe Passage ». La couleur criarde (le but du gilet étant d'attirer l'attention dans la mer bleue) attire forcément le regard.


© AP


Investir la rue n'est pas une chose anodine. En effet, en installant des créations dans un espace totalement public et gratuit, les artistes élargissent la portée de leur travaux et touchent un public qui ne se rend pas dans des institutions muséales. Ce que l'on nomme « Art de rue », en est un bon exemple, et nous amène à Banksy et à son graffiti réalisé devant l'ambassade de France à Londres. Montrant une jeune fille en pleurs devant un drapeau français et une bombe lacrymogène à ses pieds, l'artiste exprimait son soutien aux migrants. D'ailleurs, un QR code ouvrait sur une vidéo afin de sensibiliser les passants à ce sujet.




Quelques temps auparavant, la chanteuse M.I.A était aussi passée par des représentations violentes pour protester contre le traitement réservé aux migrants. Dans son clip Border, des humains dessinaient des bateaux, d'autres s'entassaient dans une barque et des grillages marquaient les frontières entre pays. Et la chanteuse de demander « Borders, what's up with that ? Boat people, what's up with that ».


Director: M.I.A Creative: M.I.A and Tom Manaton

Music video by M.I.A. performing Borders. (C) 2015 Maya Arulpragasam under exclusive license to Interscope Records

Plastiquement forts, ces travaux ne laissent pas insensible. Comme si les photos journalistes n'étaient pas suffisantes, les artistes chargent de violence leur création afin d'interpeller les masses populaires. Weiwei avait d'ailleurs reproduit la photographie qui avait choqué plus d'une personne : celle du petit Aylan, retrouvé sur une plage turque. En un sens, l'artiste nous demandait de nous mettre à la place des migrants, avec cette question comme fond : et vous que feriez-vous ? Nous retrouvons donc là l'engagement artistique, qui lui, étend son raisonnement par delà les frontières.

Aller plus loin :

  • Dans cet article, il est question de l'engagement sélectif de Ai Weiwei.

  • Article du Monde à propos de l'exposition danoise de Ai Weiwei.

  • « Ai Weiwei, Never Sorry », documentaire de Alison Kleyman

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